Emotions pornographiques


Qu'est-ce qui rend telle ou telle photo "pornographique" particulièrement belle, émouvante, c'est à dire bandante?

Qu'est qui la fera hanter nos rêveries du demi-sommeil? alimenter nos fantasmes masturbatoires?

Je ne prétends pas donner de réponse générale. C'est d'ailleurs probablement  impossible. J.-J. Pauvert a très justement  observé qu'il n'y pas de littérature érotique,  il n'y a que des lectures érotiques. L'érotisme est dans le regard de la lectrice ou du lecteur. (Voir son excellente "Anthologie Historique des  Lectures Erotiques" en 5 volumes.)
Il en est de même pour une peinture ou une  photographie. La force érotique d'une oeuvre est une notion subjective.

Donc très modestement, je ne parlerai que de ce qui me fait fantasmer, non pas par vanité, mais simplement parce que je ne prétends pas parler pour les autres.  Il serait intéressant que les lectrices et les lecteurs veuillent bien critiquer mes observations et y ajouter  les leurs. Nous pourrions ainsi collectivement, mieux comprendre et même, contribuer à  faire reconnaître,  l'esthétique de la pornographie. (Tout un programme !)

Inutile de préciser qu'il n'y a pas de frontière entre érotisme (esthétique) et pornographie (vulgaire).
La laideur (apparente) et la vulgarité peuvent comporter une certaine beauté, alors que l'esthétisme est très vite ennuyeux.
Je ne ferai aucun commentaire sur les aspects techniques  des photos (équilibre colorimétrique,  ombres portées sur les murs, etc...). Je n'ai pas les compétences requises pour discuter ces points.

Pour que les convives apprécient  un vin, il faut leur en parler. Il en va de même pour les photos pornographiques.

Alain Valcour
 
 

Toute femme est belle quand elle jouit.



Et ce quelque soit son âge.
Ainsi je trouve tout à fait touchantes ces photos de femmes "mûres" et même  âgées (d'âge canonique comme on dit) qui se font jouir, qui s'offrent aux femmes et aux hommes, et qui attendent de nouveaux hommages.
Les rides, la cellulite, les seins flasques, la peau distendue sont des indications d'authenticité de la photo: pas de  retouche, c'est du vrai, du cru, même un peu fané.
Cette femme  âgée  souffre peut-être de solitude. Cette branlette qu'elle s'offre sous mes yeux est peut-être le meilleur moment de sa journée (voyez ses traits détendus).

Etant jeune, j'ai toujours eu envie de savoir comment mes parents faisaient l'amour. Je me  demandais quelle position ils avaient adoptée pour me concevoir.  Ma mère m'interdisait de me branler.  Est-ce que mon père le faisait? Je n'ai jamais posé la question ni rien surpris, malgré de nombreuses tentatives.  Cette femme sur la photo, symboliquement, c'est ma mère.  C'est ma mère, nue, qui se branle, qui enfreint ses propres interdits, et qui jouit.

Toutes les femmes sont belles au sommet de l'orgasme.
 
 

Corps décapités
 

L'Origine du Monde, de G. Courbet (ci-dessus)  a inauguré la pornographie à plusieurs titres: sexe au centre du tableau, réalisme de la chair et de la pilosité,  nudité sans  prétexte mythologique, culturel ou social, et  visage  laissé hors cadre.

Malgré cet exemple fondateur, je n'aime pas les photos présentant des corps décapités ou des visages  floutés. Une photo évoque pour moi une rencontre  (fantasmée, certes), avec une personne, avec son  corps et sa personnalité. Je ne coupe pas en morceaux, tel un cannibale, les femmes que je caresse.

Je comprends bien le désir d'anonymat, mais les lunettes de soleil ou  le voile  islamique (blasphème !) pourraient le garantir.  Un contour du type  "trou de serrure" permet  de justifier l'absence du  visage, en plaçant le regardeur en position de voyeur et non plus d'amant (fût-ce d'une heure).
 
 


 
 

Veronica Zemanova


Cette femme est une sorcière. Ses photos m'ont  envoûté.
Certes, elle n'est pas la seule à avoir de grands seins moelleux et des  cuisses grassouillettes (photo ci-dessus dans l'ellipse) propres à faire  naître d'innombrables  vocations de masseur. Mais, encore plus que ses seins, j'aime son air distant et réservé, son regard mobile, son  visage fin qui respire l'intelligence. Ce n'est pas la poupée standard au sourire niais des  calendriers de Playboy.

Parmi des centaines, j'ai retenu une photo de cette sirène en pleine nature, surgissant  d'entre des rochers. C'est le genre de rencontre que l'on rêve de faire à l'extrémité d'une plage déserte.  Ses seins ne semblent pas gonflés au silicone. Comme chez beaucoup de femmes, ils sont dissymétriques, et la dissymétrie est accentuée par la position déhanchée. Ce  sont de vrais  seins charnus qui pendouillent, ballottent, s'agitent, chahutent  insolemment lorsqu'ils sont libres sous un chemisier.

Mais qui regarde-t-elle?

Adolescentes et femmes-enfants
 




La censure antipédophile a du bon. Elle oblige le photographe à  inventer pour  la contourner. Il doit connoter l'adolescence, et non se contenter de la "prendre", banalement. En art et en littérature, les contraintes stylistiques, les conventions et les interdictions diverses sont, jusqu'à un certain point, des éléments positifs, car elles obligent les artistes et les écrivains à inventer, à suggérer. Ils ne peuvent se contenter de  représenter ou de décrire platement.

Tentons  une petite liste de ce qui connote l'enfance ou l'adolescence: les soquettes blanches, la jupe écossaise, les couleurs vives des vêtements, la coiffure (couettes), le costume marin de la jeune japonaise, les tout petits seins, la pose innocemment indécente dans le cadre aux couleurs claires d'une  chambre d'enfant (sans oublier la peluche qui traîne), le livre scolaire, le cartable, l'air niais, voire le pouce dans la bouche (avec une référence cinématographique : "Baby Doll").

Il y a beaucoup de lieux communs dans les photos dites d'adolescentes. Et quelques miracles.
Tel ce cliché d'une jeune beauté, où l'on retrouve la minijupe écossaise, les couettes simplement attachées et à peine peignées, la culotte blanche en coton, la brassière  trop courte qui découvre le ventre, les cuisses galbées sans un gramme de cellulite. 

Mais cette photo est étrange. Ce sont de grands seins bien formés de jeune femme qui apparaissent sous la brassière trop (?) serrée. La jupe est trop courte. La fille a grandi trop vite, elle se découvre femme avec surprise. En relevant sa jupe, elle prend conscience (notez la rougeur du visage) de ses cuisses rondes et fermes et de leur pouvoir de séduction. Demain elle remplacera sa culotte de gamine par un string, mais gardera sa minijupe.

C'est  l'affolante transmutation de l'enfant en jeune femme, affolante pour elle comme pour nous, que cette photo fait vivre.
 

Désir

Les photos de visages contractés par l'orgasme ne sont pas rares. Mais photographier le désir, cette force qui jaillit du plus profond de nous et nous pousse vers l'autre est beaucoup difficile.

Pourquoi cette photo de David Steinberg est-elle si émouvante?

Sans doute est-ce dû  au cadrage qui lui donne un caractère de photo prise à l'improviste:  la fille est  pressée,  elle n'a pas complétement quitté sa chemise noire, d'où émergent ses seins. Le  rouge est très présent (tapis, lèvres, gland). Son geste est tendrement mais fermement possessif. Son regard est tendu vers les lèvres de l'homme. Les veines de sa main sont gonflées par le sang qui bouillonne et elle ouvre son sexe  pour y enfiler celui de l'amant.

Ce cliché capture la montée du désir,  le plaisir imminent, dont la  réalisation est suspendue, éternisée.

L'éternité du désir, n'est-ce pas de cela que nous rêvons tous?

Et pour finir, un  orgasme dévastateur.


Alain Valcour