Les coupeurs de têtes.

 

 

 

 

 

L'Origine du Monde, de Gustave Courbet a inauguré la pornographie à plusieurs titres: par le sexe au centre du tableau, par le réalisme de la chair et de la pilosité, par la représentation de la nudité sans prétexte mythologique, culturel ou social, et surtout en laissant le visage hors du tableau, c'est à dire en coupant la tête.

 

 

 

A l'extrême opposé, voyez les nus de Modigliani. C'est le peintre qui, selon moi, a le mieux représenté la beauté des femmes amoureuses. Dans certains de ses tableaux, il les montre rayonnantes du plaisir qu'elles viennent de partager, sans doute avec lui. Son regard sur les femmes est celui d'un amoureux éperdu, même sur celles qui semblent tristes. Nous ne pouvons qu'adopter son regard, et nous entrons ainsi dans un univers d'un érotisme lumineux (même si la vie d'A. Modigliani n'a pas été rose).

  

Courbet est le premier des coupeurs de têtes, le seul peintre à ma connaissance, mais des dizaines de photographes y compris professionnels l'ont suivi. Voyez par exemple les anthologies photographiques :

"Le corps", W. Ewing, Ed. Assouline, 1994 ou :

"Eros", L. Ferrer, J. Lahr, Evergren, B. Taschen Verlag, 1997.

Même Cartier-Bresson a aussi coupé des têtes. (Je vous retrouverai la référence).

 

Malgré ces références culturelles, je n'aime pas les photos présentant des corps décapités ou des visages floutés.

Les "leçons de séduction" d'Aubade qui coupent les têtes sans remords, sont vraiment ennuyeuses et répétitives, même si les premières amusaient ou surprenaient, surtout lorsqu'on les découvrait sur une pleine page faisant face à une pesante analyse de la "santé économique de la Nation", par exemple dans "Le Nouvel Observateur".

Une photo ou une peinture de nu évoque pour moi (ou m'invite à) une rencontre (fantasmée, certes), avec une personne, avec tout son corps et toute sa personnalité. N'étant pas un cannibale, je ne coupe pas en morceaux les femmes que je caresse. La chair n'est rien si elle n'est pas l'occasion d'une rencontre.

Je comprends bien le désir d'anonymat des modèles, et particulièrement des amateurs (et dont les photos qui foisonnent sur les sites de cul ne sont pas toutes moches), mais les lunettes de soleil, le contre-jour, ou, pourquoi pas, le voile islamique pourraient le garantir, sans donner ce caractère "boucher" d'étalage de "bons morceaux".

Je propose aux peintres du dimanche un concours : donner un visage à l'Origine du Monde. Il parait qu'elle était irlandaise et rousse. Mais qu'importe, que leur imagination prenne le pouvoir.