La  fascination  des seins.

Hommage à Ramon Gomez de la Serna.



L'auteur espagnol Ramon Gomez de la Serna (1888-1963) a écrit un livre consacré aux seins, titré tout simplement  "Seins". Une traduction française est parue aux éditions  A. Dimanche en 1997; il en existe une édition de poche.

Ce livre est une suite de croquis littéraires que l'auteur a du écrire à la terrasse d'un café en regardant les passantes à longueur de journées.

Je vous propose de poursuivre son œuvre et je commence moi-même en y contribuant par quelques courts chapitres. Cette œuvre collective sera un hommage à Ramon et à sa fantaisie.

Lui rendre hommage ne veut pas dire que l'on approuve tout ce qu'il a écrit. Son mépris des domestiques et des gens du peuple reflète ses origines bourgeoises. On peut également s'étonner de sa façon de considérer les seins indépendamment de leurs propriétaires, comme de bons morceaux détachables à volonté. On peut s'amuser de sa relation ambiguë à la religion et de sa fascination pour les seins des bonnes sœurs. Je n'ai guère le temps d'analyser en détail tous les thèmes de son livre et ce qu'ils révèlent de l'auteur. Cela mériterait d'être fait. Mais l'éternelle et fascinante beauté des seins dans leur infinie diversité  justifie que nous continuions dans la voie qu'il a tracée.

Alain Valcour, avalc@free.fr


Le Xylophoniste des Seins

Extrait de "Seins" de R. Gomez de la Serna




Cet homme subtil et soucieux avait toujours rêvé de découvrir la tonalité des seins, leur polyphonie.
"Parce qu’ils en ont une, pensait-il, ils en ont une. Chaque sein a une nuance musicale. Le tout est de la trouver."
Dans les cabinets particuliers, les femmes demeuraient impressionnées lorsqu’il tirait de la poche intérieure de sa redingote un petit marteau dont il frappait leurs seins. [...]
"Ce qu’il faut perfectionner, c’est le marteau... Les seins ont leur note parfaite, mais il est très difficile de l’en faire sortir. Ce qu’il faut perfectionner, c’est le marteau."
Et il perfectionna le marteau, grâce à quoi, un jour, il put assembler les notes les plus délicieuses pour un concert idéal.
Il disposait en rang les femmes aux seins différents, depuis les seins aigus, criards, frivoles et retroussés comme les cornes des petits chevreaux, jusqu’aux seins opulents, tombants, graves qui donnaient la basse ; parfois, il était inutile de faire sonner le sein droit ou le gauche car ils donnaient une note étrangère à la gamme dont faisaient partie les femmes. Le marteau se gardait bien de frapper ce sein atonal.


Les jardineuses




Chaque femme fait de son corps un jardin qu'elle cultive amoureusement pour y recevoir ses amantes et ses amants. Elle en laisse entrevoir aux passants quelques beautés, plus ou moins généreusement, selon son humeur et la mode du moment.

Certaines femmes se laissent pousser de broussailleuses touffes pubiennes, d'autres les taillent comme des massifs de buis, d'autres enfin les rasent en souvenir peut-être de leur pré-adolescence. Tout cela relève du jardinage.

Les jardineuses les plus sensuelles soignent particulièrement leurs seins. Elles leur parlent pour les encourager à se tenir bien fermes, elles les massent, elles les fortifient d'onguents dont les recettes remontent à la nuit des temps. Elles les exposent au soleil avec précaution pour de savants bronzages où la marque claire du soutien-gorge quelque temps conservée les fait paraître encore plus nus.

La jardineuse attentive aime à entendre  ses seins ronronner comme des chatons, quand ils sont satisfaits de ses soins. J'en ai moi-même souvent entendu ronronner du plaisir que leur apportaient mes caresses.




Les seins de la boulangère.

Les seins de la boulangère se doivent d’être amples et généreux, souples et blancs comme de la pâte à pain qui demande  à être longuement pétrie. Ce sont des seins nourriciers, naturels, sans afféterie ni fermeté siliconée. Ils sont toujours un peu poudrés de farine.

La boulangère les montre dans un ample décolleté, d’une part parce qu’il fait chaud dans sa boutique et d’autre part pour que les jeunes garçons envoyés « au pain » par leurs mères aillent chez elle de préférence.


Les seins de l’informaticienne



Ada a nommé ses seins Esperluette et Arobase. Elle en parle comme de "ses mamelles" car elle trouve ridicule de donner un nom masculin à un organe aussi fondamentalement féminin. Et elle veut ainsi rappeler leur rôle nourricier.

Elle utilise pour chacune d'elles un parfum particulier : la cannelle convient mieux à Arobase et le jasmin à Esperluette. Elle fonce leurs aréoles de couleurs différentes pour une dissymétrie étudiée. Elle soutient qu'Arobase et Esperluette ont des goûts différents et qu'elles n’apprécient pas les mêmes caresses. Arobase, plus molle que sa sœur, adore que l'on pince son téton, et les mordillements la font se raffermir. Esperluette préfère les caresses frôleuses.

Ada ne pardonne pas à ses amants s'ils ont le malheur de se tromper. Ils doivent se rappeler qui est qui des deux mamelles, et  cajoler chacune comme il convient.

-- Rappelle-toi une bonne fois mon chéri, Arobase est plus tombante, et elle est à gauche, comme sur le clavier d’un MacIntosh.

L’utilisateur d’un clavier Windows doit donc inverser ce point de repère.
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-- Je ne vais tout de même pas me faire tatouer leurs dessins & et @ rien que pour que tu t’y retrouves !

Il ne faut pas non plus créer de jalousie entre les deux jumelles. S’attarder outre mesure sur l’une vexe l’autre et la rend boudeuse, ce qui peut compromettre toute la rencontre. 

Comme sa chatte se sentait délaissée, Ada a décidé de l’appeler Azerty.
 





Les seins farceurs

 

Isabelle a de grands beaux seins moelleux qui s'animent à chaque instant, et tout particulièrement quand le plaisir se lève en vagues à travers tout son corps.

Ce sont des seins farceurs qui chahutent insolemment, qui s'arrangent pour déborder du corsage, pour en faire sauter les boutons, pour valser en cadence quand Isabelle s'active un tant soit peu. Ils attirent sur eux les regards émoustillés des hommes ainsi que ceux des femmes, pleins de jalousie, aux moments les plus inopportuns.

Et la pauvre Isabelle en rougit. Elle se promet de les enfermer dans un soutien-gorge concentrationnaire, mais ne s'y résoud pas. Elle leur laisse tout loisir de poursuivre leurs gamineries, sous nos yeux bienveillants.
 
 


 


 



Les seins de la patronne

A la direction de l’entreprise, la patronne est la seule à avoir de gros seins. Les responsables des services se doivent d’être discrètes et effacées, en particulier sur le plan physique, pour que soit bien marqué où se trouve le pouvoir. Si nécessaire, elles écrasent leurs malheureux seins dans des soutien-gorge de bonnes sœurs. Même les petites secrétaires se font discrètes en matière de formes, juste un peu moins strictement que leurs supérieures.

La patronne règne avec détermination sur son Conseil d’Administration. Le volume et le port majestueux de ses seins en impose aux actionnaires et aux banquiers  les plus grincheux.

On trouve par contre de gros seins tristes et flasques en bas de la hiérarchie, chez les femmes de ménage, les emballeuses et les préposées aux stocks. Le regard que portent les hommes sur ces femmes dont le travail pénible est pourtant nécessaire à la bonne marche de l’entreprise importe peu à cette patronne condescendante et prédatrice.

 
 
 

 


 



Sportives


 



La championne de tennis n’ignore pas que ses admirateurs s’intéressent au moins autant à ses cuisses, à ses mollets, à ses fesses entrevues lors d’une balle difficile à rattraper et à ses seins qui valsent sous son maillot, qu'à la qualité de ses services et de ses revers.  Lorsqu’elle a bien transpiré, ses seins palpitants surgissent à travers le tissu dans toute leur harmonie.

Les seins de la championne de tennis ne doivent pas être trop volumineux, car autrement il lui faudrait les comprimer dans le nylon  et une bonne part de son charme serait perdu.
 




La cycliste n’a pas besoin de soutien-gorge, car les mouvements de son torse sont moins violents que ceux de la joueuse de tennis, et elle peut se permettre de montrer de grands beaux seins.

L’essentiel de son attrait vient de ses cuisses et de ses mollets car une musculature féminine puissante et harmonieuse est toujours émouvante. Ses fesses aussi sont importantes pour sa popularité. La cycliste choisit un short qui les découvrira au mieux et qui les montrera tendues durant l’effort ou caressant voluptueusement la selle dans les moments plus décontractés.


Les seins de la coiffeuse.


 

Lorsque j’étais jeune les coiffeuses ne coiffaient que les femmes et les gamines, et les coiffeurs ne coiffaient que les hommes et les garçons. L’attente était plaisante dans les salons où l’on pouvait regarder les dessins de pin-up et les photos gentiment sexy de « Lui ». Je me remplissais les yeux de rondeurs féminines photographiées ou dessinées. De nos jours les magazines de "charme" se sont banalisés et les coiffeuses coiffent aussi les hommes.

Je vais chez une coiffeuse dont j’apprécie les seins, qu’elle promène à quelques centimètres de mon visage durant tout son travail, par ailleurs minutieux. Ils ne sont pas très gros mais elle les porte bien hauts dans des soutien-gorge sans ourlets ni replis, invisibles sous ses pulls de laine fine, et qui les carrossent aérodynamiquement.

En été, ils se bousculent  pour tenter de sortir du large décolleté, et il émane de leurs rondeurs jumelles un entêtant parfum de fleur et de transpiration. Une petite croix dorée se glisse dans l'entre-seins, en ressort et y retourne sans cesse, ballottée par les mouvements de la coiffeuse au travail.

Il est arrivé l'autre été que  la coiffeuse perde l’équilibre et glisse sur moi. Je me suis retrouvé le nez plongé entre ses seins. Nous avons bien ri tous les deux de cette mésaventure qui ne s’est jamais reproduite.


 La multiplication des seins



Pendant que le pape pratique la multiplication des saints, Satan lui, qui veut perdre les internautes, se charge de multiplier les seins. Il fait de l'internet un inépuisable catalogue de seins, et comme à la Samaritaine, on en trouve tous les modèles possibles.

On se régale des petits seins adolescents dont les aréoles sont gonflées de sève comme de gros bourgeons. On se délecte des gros seins mûrs de femmes expérimentées qui conservent tout leur charme malgré, ou grâce à, quelques rides naissantes. On regarde avec commisération les seins des vieilles coquines qui espèrent encore.

Rien n'est plus désaltérant pour le regard blasé que la grâce des petits seins d'une jeune femme sportive et libérée. Rien n'est plus déstressant que d'imaginer qu'on enfouit son visage dans la chair  moelleuse de seins généreux. Et quoi de plus émoustillant que des seins cuivrés dont le bronzage dessine en négatif un minuscule maillot ?

De fausses  adolescentes avec ours en peluche, couettes et socquettes blanches arborent des seins bien développés de quarantenaires oisives soigneusement entretenues.

On s'émeut des seins ligotés, des seins torturés, des seins percés, et de ces outres énormes qui ne sont plus des seins mais des appendices monstrueux. Quoi de plus délectable enfin que ces seins d'où jaillissent de grands jets de lait, de bon lait perdu pour le pauvre nourrisson qui devra se contenter de l'infâme tétine en latex, au lieu de s'initier à la vie dans la moiteur odorante du sein maternel.
 
 



Mon ami Roman était tellement obsédé par les seins de pixels qu'il en perdait le sommeil. Il passait des nuits entières à "récolter" des mégaoctets de seins. Il avait été licencié de son entreprise pour cause de butinage continuel. Pour payer ses communications téléphoniques et pour acheter les disques durs nécessaires au stockage de ses récoltes, il avait vendu tous ses meubles, sauf une table et une chaise. Il revenait régulièrement sur les sites qu'il avait déjà visités pour le cas où "il y aurait du nouveau". Et comme il ne se souvenait plus, parmi tant d'images assez semblables, de celles qu'il avait déjà enregistrées, il rechargeait les mêmes à chaque visite. Faute d'avoir imaginé une méthode de classement adéquate, il accumulait tout dans des dossiers parfaitement inutilisables.

L'irrésistible tentation de l'ADSL lui fut fatale. Car si le temps ne comptait plus, c'est par gigaoctets de seins en tout genre qu'il encombrait  ses disques durs.

J'ai réussi à le convaincre d'aller consulter un psychologue spécialiste des conduites addictives. Las, le diplômé de la Faculté s'est amusé du cas de Roman, disant que ce n'était rien à côté des drogués à l'héroïne prêts à tuer père et mère pour une seule dose,  qui constituent l'essentiel de sa clientèle. Il lui a même demandé ses meilleures adresses pour son usage personnel.

Un soir d'orage, la foudre est tombée sur la maison de Roman. Une surtension a tout grillé, carte-mère et disques durs. Dans son appartement désert, en méditant sur ses dossiers d'images partis en fumée, il s'est ouvert les veines. Satan avait gagné.

 
 



 

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