L’amour n’est pas aveugle

 

Alain Valcour

 

Comédie  érotique et sentimentale

 

Personnages : Keyah, africaine, 25 ans.

René, 28 ans, aveugle.

Alexandre, 55 ans, patron et plus de Keyah.

Max Lafouine, médecin ; on ne le verra que de dos, au téléphone.

 

Musiques  :  Sonneries de portables, par Beethoven : Lettre à Elise et  Po-po-po-pom (Premières mesures de la cinquième symphonie)

 

Wagner : Tristan et  Isolde, grand duo de l'Acte 2.   

 

Scène 1. Devant le rideau de scène fermé.

 

A gauche, un grand fauteuil de salon, et à droite, une table avec un miroir et des crèmes de maquillage et un tabouret. Keyah est assise sur le tabouret, vêtue  d’un peignoir de soie couleur pastel, en accord avec sa peau noire. Elle peigne ses  longs  cheveux. Elle s'interrompt, prend son téléphone, compose un numéro. Pas de réponse.

 

- Corinne, c'est Keyah. Tu m'rappelles ?

 

Elle se peigne, debout, et attache ses  cheveux  sur l'arrière. Elle enlève son peignoir. Elle est toute nue. Elle hésite entre diverses (très) petites culottes en fouillis sur la table et cherche dans un tiroir un soutien-gorge susceptible d'aller avec une de ses culottes.  Son téléphone diffuse la Lettre à Elise.

 

- Ah Corinne, c'est toi ! J'en ai une pas mal à t'annoncer. Alex, mon patron. Voilà qu'il m'arrange des rencontres !

- ...

- Pour baiser, cruche ! Ça fait partie de ses combines.

- ...

- Si j'ai l'habitude ??! Tu pousses un peu ...

-...

 

 Keyah, toujours toute nue, se promène en téléphonant. Elle se caresse les deux tétons tour à tour pour les faire se dresser.

 

- Ça  n'est arrivé qu'une fois. C'était la fin d'un dîner qui arrosait la signature d'un gros contrat. Ils ont léché la chantilly sur mes seins et sur mes fesses. Ils m'ont photographiée, j'étais comme un gâteau au chocolat.
- ...

 

- Il y avait même deux femmes. Elles n'ont pas refusé leurs parts de chantilly. Mais ce coup-ci, Alex n'a pas l'excuse de l'alcool et de l'improvisation. Il a tout goupillé avec le médecin qui m'avait avorté en secret l'an dernier. Depuis deux mois, il veut mettre ce toubib dans son affaire. Il a besoin d'argent frais. Mais le toubib traîne à répondre.
- ...

 

- Comment "et alors" ? En plus,  c'est avec un aveugle.
-...  

 

- D’accord, s'occuper d'un handicapé, c'est une bonne action, une B.A., comme on disait dans ma jeunesse au catéchisme. Mais il ne m'a pas consulté avant ...
- ...

 

- J'ai pas vraiment le choix. Si le toubib raconte mon IVG à mon mari, je peux faire mes valises pour l'Afrique, et là, j’te dis pas l'accueil. Il m'a déjà fait cette menace  pour m'embarquer dans une partouze assez glauque...
- ...

 

- Et bien non ! J’te l’avais  pas dit. J’vois pas pourquoi  j’devrais tout t’raconter. [Agacée]

- ...

- C'est ça, va bosser.

 

Fin du coup de téléphone.  

 

- Sympa la copine ! Ça la fait rigoler mes histoires, et elle me fait de la morale en plus !

 

 

 Elle s'assied cuisses écartées,  les pieds sur le fauteuil. Le public voit la fente rose de sa jolie chatte soigneusement rasée. Elle ferme les yeux et  se caresse avec le téléphone tout en se pinçant un téton. Encore la Lettre à Elise.

 

- Allo ? Ah c'est toi chéri. [La voix est plus terne qu'avant.]   
- ...
- Un dîner ?
- ...
- Tard ?
- ...

 

- Bois pas trop surtout. T'as déjà bugné deux fois ta belle 407 multi-options que tu aimes tant. Plus que moi d’ailleurs.
- ...
- Non ! Je blague, tu sais bien que je t'aime, et je sais que tu m’aimes  ...
- ... 

 

- Mais oui, je tiens à toi comme ..., comme à mes seins, quand mes tétons sont bien durs entre tes lèvres gourmandes et quand tu …  
- ...
- Oui, je pense à toi, je suis toute chaude, écoute : Aaah!, Aaaaah!, AAAaah!

 

Soupirs érotiques exagérés. Elle éclate de rire.

 

 

 - ...

- Mais non, j'suis toute seule, qu'est-ce que tu vas croire, je rigole.

- ...   
- Je t'attendrai, mais j'suis pas sûre que tu s’ras en état.

 

- ...

- Moi aussi. "Smouss" [Elle s'embrasse bruyamment le genou.]

 

Elle finit par ne mettre qu'une robe blanche, très courte, sans rien dessous. Le tissu transparent révèle ses fesses rondes, ses seins, leurs aréoles sombres et les tétons dressés.

 

- Finalement, il est peut-être sympa cet aveugle. 28 ans. Je serai sa bienfaitrice. Sa maman Teresa. Enfin, pas tout à fait. J'ai hâte d'être à demain.

 

 

 Encore la Lettre à Elise.

 

- Malika, ma chérie, comment tu vas ?

- ........................................... [Long récit]

- Ah bon !! [Tristesse]

- ...................................

 

- C'est pas vrai ! [Désolation sincère]. Ces hommes, c'est tous des ...

- ...

- Non pire que ça. Tiens toi bien, mon patron, tu sais, sa boîte ne marche pas trop fort. Il m'a arrangé un rancard.

- ...

 

- Oui, parfaitement.

- ...

- Non, il n’a  pas précisé si ça comprenait  la sodo.  Mais c’est avec un aveugle !

- ...

 

- Un japonais ? Non, pourquoi ?

- ...

- Des pervers ?

- ...

 

- Une femme violée par deux japonais aveugles ? T'as vu ça où ?

- .............................. [Longues explications]

- Le sang des règles ! Répugnant. 

- …

 

- Du faux sang, d’accord c’était un film, mais j’comprends pas  comment elles peuvent se laisser faire ce genre de trucs.

- ...

- Oui, mais moi, même pour de l'argent, je ne  ...

- ...

 

- Non, c'est pas la même chose.  Mon aveugle, c'est un bon gars un peu seul. Je fais une bonne action en lui donnant du plaisir.

 - ...

- Comme une pute ! Tu charries un max, toi aussi  t'en es une, et à plein temps  puisque t'es mariée !

- ...

 

- Faire des enfants pour plaire à ta famille et à ton village ! C'est pas une excuse.

- ...

- Bon j'ai des courses à faire. On se voit quand ?

- ...

 

- D'accord, j'te raconterai. S'il m'a pas coupée en morceaux pour me bouffer, comme l'autre japonais cinglé. Tu m'as fait peur avec tes histoires. Aller, gros bisous, poussinette !

- …

- Oui, ma chatte,  c’est promis.

 

Elle range le téléphone dans un sac à main.

 

- Tout ça m'a mise en retard. Je fonce.

 

 

Scène 2 : Devant le rideau de scène fermé.

 

Alexandre est assis dans le fauteuil de la première scène, bien éclairé. A la place de la table, Max est debout, dos au public, dans la pénombre.

 

Sonnerie de téléphone : Po-po-po-pom. Max répond.

 

- Salut Max, c'est Alexandre ! Ça s'arrange pour ton neveu ?

- Oui, ils ont pris rendez-vous, c'est pour demain.  À ton avis, Keyah est bien disposée ?

 

- Moyen, mais tu m'as dit qu'il était du genre "séducteur latino" [détail à modifier si l’acteur n’a pas le physique «latino»], et Keyah, c'est une chaude. Sa chatte mouille facilement, et pour les autres mecs bien plus vite que pour moi

- Je les enregistrerai par son portable : je fais un numéro secret, ça branche la ligne, on entendra comment ça va se passer. Tu seras même jaloux.

 

- Ça non. S'il me la prend, il me rendra service. J'en ai un peu assez des blackes, c'est la troisième. Mais j'veux pas la fiche dehors. J'en ai besoin pour la boîte. Elle anime les dîners de signature de contrats, tu vois c’que j’veux dire. Ça l'amuse comme une folle, elle adore aguicher, et même un peu plus. Si elle préfère ton neveu, ça sera parfait. Entre nous c’est secret, j'ai fait connaissance, comme on dit dans la Bible, avec une petite japonaise. Adorable, une fausse timide. Quand j’la baise, elle crie comme si je la violais ou comme si elle était pucelle. Une fille délicieuse. Si Keyah s'fait caresser les fesses ailleurs, je pourrai la voir plus souvent, et on ne me la piquera pas.

- Et la montée en capital ?

 

- Ça avance, j'ai le concours de la banque Brax.

- C'est une banque de sperme ? [rire gras]

 

- Mais non, c'est sérieux. Tu m’as promis que tu participerais.

- Oui si Keyah s’y prends bien avec René. Mes enregistrements le diront, si tout marche comme prévu.

 

 

Scène 3 : Le rideau est ouvert sur un salon.

 

Une bibliothèque, un grand canapé, une table basse. Musique: Tristan et Isolde (Duo d'amour, Acte 2), assez fort. René, est assis dans le canapé, il écoute, en extase.

 

Long coup de sonnette, peu audible à cause de la musique, mais René l’entend. Il baisse le niveau sonore avec une télécommande et va ouvrir. Tristan et Isolde continuent leur duo en fond sonore.

 

Il revient avec Keyah vêtue de la courte robe qu'elle a mise à la  fin de première scène, mais on verra plus loin qu’elle a mis aussi un slip rose. 

 

- Entrez. Vous êtes Keyah, je présume. Installez-vous. Moi, c'est René, le neveu du docteur Lafouine. C'est gentil de venir me tenir compagnie.

- Ce sera pour moi aussi un plaisir, le docteur m'a chanté vos louanges. [Elle est un peu émue, sa voix hésite].

 

Ils sont debout. René la tient par la main. Il s'empare de son sac à main et le pose sur la table. Il prend ses bras, les caresse furtivement. Ses mains montent jusqu'aux épaules nues, puis caressent sans insister, juste pour faire connaissance, son cou, sa chevelure, ses joues, la ligne de son nez, ses oreilles, ses lèvres pulpeuses.

 

- Je ne peux pas vous voir, mais mes mains me disent que vous êtes très belle. Et votre peau est très douce.

 

Ses lèvres prennent le relais de ses mains pour l'exploration. Il l'embrasse délicatement dans le cou, sur les paupières et sur les lèvres. Ses mains empoignent les hanches de Keyah avec autorité, mais sans brutalité. Elle est surprise mais se laisse faire.

 

- Vos lèvres, c'est comme si je les voyais. Je suis un peu direct, mais pourquoi perdre un temps précieux, alors que nos vies sont si agitées ?

- J'aime vos caresses. Elles sont délicates comme le regard d'un amant. D'un vrai, qui veillerait sur mon sommeil après l'amour, et qu'une mèche un peu folle de mes cheveux noirs mettrait en joie. Pas le regard d'un de ces types qui jaugent les femmes comme des maquignons qui évaluent des chevaux.

 

Elle baise délicatement les paupières closes de René. Elle introduit sa langue entre ses lèvres.

 

- Dans votre voix, j'entends toute la sensualité d'une africaine, et son goût de la vie. Nous les aveugles, nous percevons beaucoup de choses.

 - Je n'ai pas besoin d'être aveugle pour aimer vos caresses et votre voix. Et pour sentir votre goût des femmes.

 

Les mains de René se font de plus en plus insistantes et sensuelles, sur les fesses, le ventre et les seins de Keyah, dont elles agacent les tétons gonflés. Comme celles d'un prestidigitateur, elles défont prestement les boutons de la robe et Keyah se retrouve entre les bras de René, magnifiquement nue, sauf quelques bijoux (un collier de nacre, une chaîne dorée autour de la taille), un minuscule slip rose et d'élégantes chaussures noires à hauts talons.

 

Keyah déshabille René. Ils font l'amour sur le canapé, accompagnés par le duo de Tristan et Isolde. Le niveau sonore augmente un peu, pour accompagner une scène romantique.

 

[Toute description est ici inutile. La séquence, muette mais éloquente, pourra durer comme en décidera le metteur en scène.]

 

Après avoir pris du plaisir, ils sont nus sur le canapé, bavardent, se caressent, se bécotent et continuent de faire connaissance.

 

- Je n'ai pas toujours été aveugle. A huit ans, j'ai respiré dans un atelier clandestin des vapeurs chimiques qui ont manqué de me tuer. Je me suis retrouvé aveugle. Je travaille sur ordinateur, au moyen d'un système qui lit, à peu près, ce qu'affiche l'écran.

 

[Pause-caresse]

 

- J'écoute beaucoup de musique. Je mémorise les sons et les odeurs. Rien qu'à te caresser, sans même entendre ta voix, je sais que tu es noire. Et si belle. Une femme laide ne peut pas avoir une peau et une voix aussi  douces.

 

[Pause-baisers ; il continue :]

 

- Et c'est pour faire l'amour qu'être aveugle est le moins gênant. Tu fermes bien les yeux quand tu embrasses.

- Oui, pour mieux me concentrer sur des sensations autres que visuelles.

 

- Et plus rares. On est assommés d'images (pas moi bien sûr) et de messages sonores abrutissants. Le goût, l'odorat, le toucher sont dévalorisés par un hygiénisme idiot. C'est-à-dire, par peur de l'autre. Sauf dans l'amour. Comme l’a dit Woody  Allen : "L'amour, c'est sale ? Oui, quand c'est bien fait." Raconte-moi ta vie.   

 

- Je suis née dans un village près de Douala. On m'a mariée à 14 ans à un musulman de 60 ans, sans me demander mon avis. J'étais sa quatrième épouse, la plus jeune et sa préférée. Son Aïcha, disait-il  sans modestie (car il se comparait ainsi à son Prophète). Je ne pense pas qu'un "jeune"  de 30 ans me prenant comme première épouse m'aurait mieux traitée. Il m'aurait au contraire fait travailler pour son compte. Pour ce vieux mari, plus âgé que mon père, j'étais sa femme de plaisir. Il faisait travailler ses autres femmes.  Et le plaisir, il connaissait !  Il savait m’en donner, et pas seulement avec la langue. Ramadan ou pas, on baisait tous les jours. Mais il est mort 3 ans après, sans me laisser d'héritier dans le ventre, ce qui a bien facilité les choses.

 

- C'est une chance que tu n'aies pas été excisée !

- Pourquoi excisée? [Elle s’énerve.] Vous les blancs, dès que vous voyez une africaine, vous vous demandez si elle est excisée. Ça vous excite de penser à ça et vous vous dites : "La malheureuse! Elle a  eu la malchance de naître chez des sauvages. Qu'est-ce-que je pourrais faire ? J'ai trouvé. Je vais donner 10 euros à une ONG qui s'occupe des africaines. Ainsi, je ferai avancer une Grande Cause !" Et pour 10 euros, vous savourez votre supériorité, l'avancement de votre fameuse "civilisation", même si votre organisation mondiale du commerce détruit l’Afrique rapidement et sûrement.

 

Elle pleure. René sèche ses larmes du bout de sa langue.

 

- Excuse-moi, je n'ai aucun mépris pour les coutumes africaines, mais celle-ci  est particulièrement barbare et nuisible. Je n'aurais pas dû en parler. Je n'ai d’ailleurs pas plus de respect pour la circoncision pratiquée par des blancs sur la base de conneries religieuses qui datent de plus de 2000 ans, et auxquelles on donne maintenant une justification vaguement médicale par rapport au SIDA.

- J'ai eu tort de m'emporter. Se débarrasser de l'excision, c'est l'affaire des femmes africaines. Si elles se mobilisaient, ce serait fini très rapidement. Il se trouve que dans mon village, ce n'est pas la coutume. Autrement, j'y serais passée. On m'a bien mariée sans me demander mon avis. Mais je n'ai pas eu à me plaindre de ce mariage.

 

[Pause-caresse]

 

- Ensuite, je suis arrivée en France. C'est la famille qui m'a envoyée, pour que j'épouse en cachette un oncle éloigné qui n'arrivait pas à avoir d’enfants avec  sa première femme. Après la  femme de plaisir, je devais faire la pondeuse de gniards. J'ai refusé. J'ai eu la chance d'être embauchée comme secrétaire. La secrétaire "de direction" du patron m'a tout appris. Il m'aussi prise comme maîtresse et comme "animatrice" de ses dîners d'affaires. Et il a combiné pour moi un mariage. Avec un type gentil mais terne. Je suis vouée aux mariages arrangés.

- Notre rencontre aussi était arrangée.

- Oui, mais si bien ...

 

Ils s'embrassent longuement, René glisse une main entre les cuisses de Keyah, il la caresse, elle jouit. Elle crie dans le silence. Tristan s'est tu depuis quelques minutes.

 

- Peux-tu attraper deux verres et le porto ?

 

 Ils boivent.

 

- A notre rencontre, arrangée par le destin.

- Et aux rencontres futures, qui seront arrangées par nous.

 

Petits baisers d'adieu.

 

- J'ai un mari à nourrir. Hier soir, il est revenu à 2 heures, bourré comme un coing. D'un dîner d'affaire a-t-il dit. Ou plutôt d'une rencontre amoureuse qui a mal tourné.

 

Keyah remet sa robe, mais oublie son slip. René est toujours tout nu.

 

- Tu as oublié ta culotte !

- Tiens oui. Mais comment as-tu pu deviner ...?

- Je n'ai pas entendu le nylon crisser sur tes belles fesses rondes !

- On se rappelle.

- Bien sûr, dès demain.

 

Elle met la minuscule culotte dans son sac à main et sort.

 

 

Scène 4 : Même disposition qu’à la scène 2.

 

 

Téléphone : Po-po-po-pom.

 

- Salut Max, alors cette rencontre ?

- On a fait fort.

- Comment ça ?

- Ils ont bien baisé.

 

- Ah oui ?  Si bien que ça ? [Déçu, visage décomposé]

- J’te garantis, j'ai tout enregistré. Keyah est une baiseuse de première. Il faut l'entendre jouir ! J'aurais aimé être à la place de René, mais pas  aveugle.

- Oui, elle exprime son plaisir. Je suis bien placé pour le savoir figure-toi.  Qu'est-ce que tu crois ? Que je suis impuissant ?

- Non, mais comme tu me parlais l'autre jour, disons, d'une lassitude à son égard, je suis un peu étonné.

 

- Bon, c'est mes affaires. Et la suite, comment ça tourne ?

- Je pense qu’ils ne vont pas en rester là.

- Ça j’avais compris, mais pour l’affaire, est-ce que tu vas participer ?

- Oui, mais la bourse a beaucoup baissé, enfin oui …

- Et René, il pourrait. Tu m’a dit qu’il avait du cash qui dormait ? Si j’ai passé Keyah à René, c’est pas pour ses beaux yeux. Euh, excuse-moi, je ne voulais pas faire une mauvaise blague. Va donc parler à René pendant qu’il est tout chaud.

- D’accord. Dès que possible. J’ai des clientes en salle d’attente. Une mère qui a pris rendez-vous pour sa gamine. La petite lui a caché son état. Ça sent l’IVG hors délais. Et ça, j’aime bien, ça rapporte !

 

 

Scène 5 : Le rideau de scène est fermé.

 

 

Keyah est en nuisette dans le fauteuil à gauche, avec son téléphone. Téléphone : Lettre à Elise.

 

 

- Malika ! C'est toi ma louloute. [Elle répond d'un ton enjoué.]

- ...

- Ah, la curieuse ! C'était super. Il m'a caressée très doucement, en disant plein de choses gentilles.

- ...

 

- Peut-être qu’il dit  pareil aux autres, mais au moins il était plus sympa que les hommes d’affaires du patron. Pourquoi t'es si négative ?

- ...

- Lui, trois fois, non, quatre, et moi au moins 5 ou 6.

- ...

 

- Non, pas de sodo. Un gentleman ne réclame pas ça la première fois ! Mais, sa langue, un régal ! Une patience d'ange. Il m'a sucée lentement pour pas que j'vienne trop vite. Ma chatte bavait tout ce qu'elle pouvait, et lui se régalait de mon miel.

- ...

- Je pense bien, il l'enfonçait le plus possible entre mes  fesses.

- ...

 

- Je parie que tu voudrais en profiter, gourmande. Je pourrai lui proposer.

-...

- Ah, te voilà pressée d’y goûter !  Je veux d'abord vérifier si c'est vraiment un bon coup. Tiens, ça clignote. C’est mon patron qui appelle. A plus !

 

 

Alexandre apparait dans la lumière, à droite de la scène. Le centre de la scène reste dans l'obscurité et Keyah est oujours dans le fauteuil à gauche, montrant sa chatte aux spectateurs.

 

 

- Keyah, c'est Alex.

- Bonjour, tu vas bien ? [Elle baille ; son ton est las, à l'opposé de la conversation avec Malika.]

- Je viens aux nouvelles. Notre aveugle, tu lui as donné un peu de plaisir ?

- Plus qu'un peu ! [Elle éclate de rire.] Et lui aussi m'en a donné, pour une semaine !

 

- Comment pour une semaine ? On devait se voir  ...

- J'suis pas une machine à baiser.

- …  Donc, il est doué ? Lafouine m'avait dit qu'il était quasiment puceau.

- Quelle blague ! C'est un expert. Tu pourrais d'ailleurs lui demander les secrets de son coup de langue.

 

- Comment cela ?

- Ah, tu veux des détails ! Sa langue est  frôleuse. Partout. Sur mon dos, mes seins, mon visage, mes cuisses, mes aisselles. J'étais bien excitée. Il a pincé entre ses lèvres mon gros clitoris de noire que tu aimes tant. Il l'a léché doucement, lentement, longtemps. Il a failli me rendre folle. A chaque fois que j'allais jouir, il ralentissait pour faire durer. Le bout de sa langue caressait mon bourgeon brûlant d’excitation avec une tendresse infinie. Ma chatte bavait tant et plus. Il récupérait tout, mon nectar comme il disait. "C'est les chattes africaines qui ont le meilleur goût". J'ai joui plusieurs fois, en rafale. Ensuite, il a plongé sa langue entre mes fesses, et l'a glissée bien profond dans mon petit trou. Avec deux doigts, il m’a massé le point G. La  folie.

- ... [hésitation] Et ensuite ?

 

- Devine gros voyeur. Tu veux le détail des positions : deux missionnaires et  une levrette. Et pour finir, la sodo.

- Quoi, il t'a ... ?

- Il avait très bien préparé mon cul. Sa grosse bite, raide comme le gode en ivoire que tu m'as offert pour les jours où tu n'es ...

- Laissons mes cadeaux. ... Et ensuite ? [Sa voix indique l'impatience et la crainte de ce qu'il va entendre.]

 

- C'était son quatrième coup. Sa grosse bite raide m'a joyeusement percée. Il me mordait le cou, comme un chat. J'ai rugi comme une folle, je m'entends encore. Et rien qu'à te raconter ça, ma culotte est toute humide.  [De fait, elle n’a pas de culotte et montre sa fente rose comme à la scène 1.]
- Est-ce qu'il s'est protégé au moins ?

- Bien sûr que non, ça n'aurait pas été si bien !

- Ça m'inquiète, d'après ce que tu racontes, ce doit être un coureur. Et Lafouine m'avait dit qu'il était puceau. Il a pu t’infecter.

 

- T'as qu'à demander à Lafouine de l'examiner. Ça restera en famille.

- Bonne idée, je lui dirai que tu l'as peut-être contaminé, ça expliquera ...

- Tu te fous de moi ! Si tu lui dis ça, j’te coupe les couilles avec un couteau de cuisine et je te les fais bouffer toutes crues.

- Bon, bon, on trouvera autre chose. Enfin, c'est fait. Tu es tranquille maintenant.

 

- Comment ça tranquille ? On se reverra.

- Ça n'était pas prévu ...

- Et bien, ce sera hors programme ! Occupe toi donc de ta boîte plutôt que d’mes fesses.

- Et pour demain ...

- Pas besoin. Je suis bien pour une semaine. J’ai rempli ma mission confidentielle. Bonsoir.

 

 

Scène 6 : Comme à la scène 3, avec un éclairage aux chandelles et  « Tristan ».

 

 

Lumière.   Keyah et René sont nus sur le canapé, comme à la fin de la scène 3.

 

 

- Mon oncle, le toubib Lafouine, m'a téléphoné pour savoir "comment ça avait été".

- Alexandre, aussi m'a  téléphoné. Je lui ai tout raconté ! Il était vert de jalousie. Surtout quand je lui ai dit qu'on se reverrait. Il a dit "Ça n'était pas prévu ..." J'ai cru mourir de rire. Ils nous prennent pour des marionnettes !

- S'ils avaient pu nous filmer, ils ne se seraient pas gênés.

- Qu'importent ces vieux.

 

- Oui, mais ils ont du fric, et du pouvoir. Et je suis son employée. Alors, je me tiens à carreau.

- C'est à dire que tu tiens ton cul à sa disposition.

- C'est un peu ça. Un peu seulement.

- Un peu ? [Le ton est moqueur.] Tu es donc une demi-escorte ! Comme il y a des demi-vierges (1) !

 

Elle rit et change de sujet.

 

- J'ai une proposition à te faire.

- Honnête ?

- Non, bien sûr. J'ai une amie que j'aime bien.

- Ah, oui ? Jusqu'à quel point tu l'aimes ?

 

- Comme toi. Nous pourrions nous occuper de toi à deux.

- Pourquoi pas ?

- Quatre mains pleines de tendresse pour te caresser. Deux langues pour te lécher partout partout partout. Deux bouches pulpeuses pour se relayer sur ton gland écarlate.

- Tooooo Muuuch !

 

- Quatre seins moelleux avec leurs tétons tout raides pour frôler ton visage. Ma copine Malika, c'est une métisse de La Réunion. Une sensuelle, et tu aimeras sa chatte baveuse et sucrée.

- Wooauh ! T'as prévu ça pour quand ?

- Ça sera une surprise. Un jour, nous viendrons à deux.

- J'ai gagné un gros lot ?

- Nous viendrons avec une grosse corde de coton rouge, comme les aiment ces pervers de japonais. On te ligotera, et on jouera avec toi. Tu seras entre nos mains. À notre merci, mais nos mains seront très douces. On ne t'abîmera pas. Disons, pas trop.

 

 

Lettre à Elise. Keyah répond.

 

- Ah c'est toi ! [La voix est ennuyée.]

- ...

- Un dîner d'affaire ?

- ...

- Tard ?

- ...

- Elle est blonde sans doute ? Pour changer de moi ?

- ............. [Longue explication. Keyah sourit à René  d'un air complice]

 

 

- Tu sais bien que j'aime plaisanter. Surtout avec les choses sérieuses. Et notre couple, c'est du sérieux !

 

 

René se mord la main pour ne pas éclater de rire.

 

-…

- Ce soir, je serai triste et  seule. … [Tristesse affectée] Et toi tu mangeras du caviar en compagnie de belles garces qui feront couler du champagne sur leurs seins nus.

- ...

- D'accord, j'arrête de plaisanter. [René qui étouffe de rire s'éloigne pour n'être pas entendu dans le téléphone.] J'ai à faire du repassage. Je regarderai "Desperate Housewifes".

 

- ...

- Mais non, je ne suis pas désespérée du tout. Travaille bien. Pour redresser la France, il faut des travailleurs infatigables, comme toi.

- ...

- Mais je suis sérieuse. Tu as vu les indices économiques ? Ça plonge. Il faut qu'on s'y mette tous, et même le dimanche. Tu devrais travailler aussi le dimanche. [Clin d'œil vers René, qui approuve.]

- …

- Moi aussi.

 

 

Keyah vérifie que la communication est bien coupée et se tourne vers René.

 

- Où en étions-nous ? Ah, oui, un trio pour un bel homme gourmand et deux lesbiennes qui aiment aussi les mâles.

- Ça m'amuse l'idée d'être entre les mains de deux filles chaudes et gentiment perverses.

- J'y vais.

- Mais ton mari fait la fête, tu peux rester.

- D'accord, je reste. Tout à l’heure, j'irai faire un peu de cuisine, si tu as des réserves. Mais il y a plus urgent.

 

 

Ils s'embrassent. La lumière baisse progressivement jusqu'à l'obscurité totale, alors que Tristan et Isolde reprennent leur duo.

 

 

Lumière. Adresse aux spectateurs.

 

 

Keyah et René, rhabillés de leurs peignoirs, s'embrassent  sous le regard courroucé d'Alexandre. Ils font face aux spectateurs et Keyah prend la parole :

 

- Chers amis, les meilleures choses ne sont pas celles qui durent et se répètent. C'est une devise de notre auteur préféré, Alain Valcour. Quant à la suite de nos aventures, nous vous laisserons la rêver. Ou la vivre.

 

N'hésitez pas à écrire à Valcour, car comme chacun sait, il faut  «Aimer qu'on vous critique et non pas qu'on vous loue.»

 

Merci et à la prochaine.

 

Saluts. Applaudissements. Rappels.

 

oOo

 

Notes : « L’amour est aveugle » est une sentence attribuée à Platon.

 

  (1) : René fait allusion au roman de Marcel Prévost, Les demi-vierges, 1894, disponible gratuitement sur Internet :

http://www.ebooksgratuits.com/pdf/prevost_demi_vierges.pdf

Un film de Pierre Caron avec Madeleine Renaud en a été tiré en 1936.