En attendant Godette

 

Alain  Valcour

 

Théâtre érotique et philosophique

 

Personnages :

Casimir,  40-50 ans,  manchot des deux bras,

Patagon,  30-35 ans,

Godette  / Colette Martin, 30 ans, africaine.

 

Musiques : Erik  Satie : « Gymnopédie ». Carmen : « L’amour est enfant de Bohême »

Autres sons : Bruits de ville au loin, circulation, freinages brusques, ambulances.

Gémissements de plaisir féminin.

 

La scène : en extérieur, deux bancs de jardin, ambiance d’automne triste, grisaille.

Les vêtements de Casimir et Patagon sont élimés, trop grands, visiblement fournis par une association de charité.

 

oOo

Scène 1 :  Casimir est assis sur un banc au centre de la scène, face aux spectateurs et Patagon sur l’autre banc, sur un côté de la scène, comme en retrait.

 

Casimir : Patagon, quelle heure est-il ?

 

Patagon : 4 heures 8.

 

C. :  Elle va venir, c’est sûr. Hier, elle a eu un empêchement de dernière minute. A 6 heures, il faisait déjà presque nuit.

 

[Long silence]

 

C. : Quelle heure maintenant ?

 

P. : 4 heures 11.

 

C. [Sentencieux]: Le temps prend son temps, même si on n’a pas trop envie de lui en laisser.

 

P. : Oui.

 

[Bruit de moteur, assez loin.]

 

C. : Une voiture. Va voir, ça doit être elle.

 

P. [Se retourne] :  Non.

 

C. : Patagon, t’as pas baisé depuis combien de temps ?

 

P. : …

 

C. : La Godette ! … Ses lèvres sont pulpeuses et gourmandes ! Ta queue mollassonne va baver rien qu’à les voir. 

[Rêveur]

Et la peau blanche de ses cuisses ! Et les boucles cuivrées qui entourent  sa chatte rose pâle !

Patagon, t’as déjà baisé une rousse ?

 

P. : …

 

C. : T’as déjà goûté le jus de chatte d’une rousse bien chaude ?   T’as déjà sucé les  replis de peau transparente qui pendouillent entre de grosses lèvres roses,  à peine couvertes d’un fin duvet soyeux  couleur de miel ?

Ah les rousses ! Il y en a des poèmes à écrire !

 

P. : …

 

C. : Patagon, t’as déjà pincé entre tes lèvres le bourgeon délicat d’une pucelle de 13 ans qui crie du plaisir nouveau qu’elle découvre entre tes mains puissantes ?

As-tu planté ta queue, dure comme manche de pioche dans un ventre  tout neuf ? Non, bien sûr, ta queue à toi est toujours molle.

 

P. [Haussement d’épaules]

 

C. : As-tu jouis du cri aigu qui signale  une  défloration sans bavure et léché jusqu’à la dernière goutte, sur des cuisses fraîches et innocentes  le sang de la première fois ?

… [Lourd silence]

D’accord, la Godette, elle  est  pas vierge. C’est même une chaudasse comme on dit sur le Vieux Port. [Il prend pour dire ces mots un accent vaguement marseillais.]

 

C’est pas plus mal, on en profitera tous les deux.

Quelle heure maintenant ?

 

P. : 4 heures 28.

 

C. : Même pas la demie ! Elle en met du temps la  Godette. Deux mois qu’on l’attend tous les jours. Mais, aujourd’hui, c’est tout bon, elle va venir. Mon ventre la sent venir.

[Rire]

 

Elle a des gros seins la  Godette.  Tout zèbrés  de grosses veines bleues et couronnés de larges aréoles roses. Oui, rose fuschia. Ses tétons sont toujours bandés, comme pour percer le tissu de ses chemisiers. Transparents les chemisiers !

[Rire triste.]

 

C. : A pleines mains tu lui malaxeras les seins, tu lui pinceras bien fort les tétons,  et pour l’empêcher de crier je lui mordrai la langue.  Je lui lécherai les seins, le ventre, les cuisses, le trou du cul, elle gémira de plaisir, elle nous sucera tous les deux.

 

P. : [Silenceux  et  résigné]

 

C. : Quand elle se caresse la Godette, ses cuisses sont luisantes du jus de sa chatte. Elle arrose elle-même son jardin.  Pour nous les vieux, c’est une vraie source de Jouvence. Patagon, toi qu’a pas bandé depuis  au moins 10 ans, tu vas triquer comme un âne. Tu vas me l’enfiler cette garce, tu vas la remplir de foutre, et moi aussi. Elle  va  déborder de nos foutres.  Ça  va couler partout, entre ses fesses, le long de ses cuisses. Et tu lécheras tout ça pour la nettoyer. Attention qu’elle te pisse pas à la gueule, c’est son style à cette pute.

 

P. : Ah ?

 

C. : Quand elle est en rut,  elle s’oublie et tout un régiment de tirailleurs peut la couvrir. Elle adore et elle en redemande.

Patagon, t’es raide ?

 

P. : Non.

 

C. : Pourtant,  j’ménage pas mes efforts.

 

[L’éclairage de la scène baisse progressivement.]

 

C. : Deux mois qu’on l’attend la  Godette !  Et tous les jours ! Elle  peut pas m’laisser comme ça. Raide comme une queue de billard !

 

P. : C’est sûr.

 

C. : Au fond, l’attente  c’est pas plus mal. Ça donne de la valeur à une rencontre. Ce qu’on a tout de suite ne vaut rien. L’Erotisme de l’Attente ! Quel poète sait en parler ? Valcour, bien sûr.

 

… [Silence réfléchi]

 

C. : Ça m’rappelle quand j’étais jeune …  quand j’avais  mes deux bras. [Rêveur] Rue Saint-Denis. J’allais voir une fille, Fanny, toujours la même. Pourquoi elle ? Parce que sa piaule était au cinquième et que la « montée »  durait plus longtemps que pour les autres.

[Rêveur] Monter derrière une fille !

Derrière elle, dans l’escalier très raide et qui puait les chiottes bouchés et le bois crasseux, je gardais les yeux au niveau de ses fesses qu’elle balançait de façon prometteuse. J’adore  l’odeur des vieux escaliers, ça m’rappelle la rue Saint-Denis.

 De bonnes grosses fesses de pute serrées dans une jupe très courte. Une jupe qui laissait voir  un grand morceau de cuisse blanche et celluliteuse, au dessus des bas noirs. Et comme cette fille avait du succès, je devais toujours  l’attendre, harcelé par les autres qui voulaient me « monter ». « Mais qu’est-ce qu’elle a d’mieux que nous cette Fanny ? » protestait l’une en découvrant un  téton brunâtre qui couronnait un gros sein flasque. « Pour toi, j’t’le fais  à 60 francs, j’serai bien gentille avec mon gros bébé. » Je préférais attendre Fanny, la tête haute, sans raser les murs comme le font tous les hommes en haut de la rue Saint-Denis.

[Longue pause philosophique et péripatéticienne]

Sans l’attente, y a pas de puissant désir, et sans puissant désir, y a pas de plaisir. Qu’est-ce  t’en dis, Patagon ?

 

P. : Bof !

 

C. : Comme je n’avais pas beaucoup d’argent, je mettais chaque jour dans une enveloppe un billet de 5 ou 10 francs. Pour ma visite suivante à Fanny. Je glissais voluptueusement le billet dans l’enveloppe, comme le moment venu j’allais glisser ma main dans sa culotte.

 

P. : …  [Soupir las ; mais Casimir continue, imperturbable]

 

C. : Comme j’étais un habitué, son « lapin chéri » qu’elle disait, Fanny me prenait sans capote. Mais je devais ensuite la nettoyer. Elle s’accroupissait sur mon visage, et sa chatte me rendait mon foutre, mêlé peut-être à celui d’autres clients. Ma langue se faufilait à travers un buisson de poils noirs et  fouillait les replis de chair tendre pour faire disparaître le foutre jusqu’à la dernière goutte.

Bon, quelle heure il est maintenant ?

 

P. : 5 heures 42.

 

C. : Ben moi, j’suis raide. Patagon, tu m’branles ?

 

P. : … [Hoche la tête sans que l’on sache si cela veut dire oui ou non.]

 

C. Tu m’fais bien pisser, tu peux bien m’branler.

 

Patagon se lève, introduit sa main dans le pantalon de Casimir. La lumière baisse de plus en plus et s’éteint.

 

oOo

 

Scène 2 : Il fait  nuit. Une lumière glauque vient d’un lampadaire isolé, au fond de la scène. Casimir dort  allongé sur son banc.

 

Musique de Satie.

 

Une femme, qui n’est pas rousse mais noire - on dira néanmoins que c’est Godette  - entre en scène, vêtue seulement d’un paréo transparent. Elle danse devant Patagon. Ils s’embrassent amoureusement, se caressent et rient en silence comme des amants complices, pour ne pas réveiller Casimir.  De temps en temps, Godette  s’approche de Casimir, lui  caresse le visage avec ses seins nus. Elle glisse un téton  entre ses lèvres. Toujours en silence, Patagon fait mine d’être jaloux. Elle revient à lui, continue de danser, toute nue. Godette retourne à Casimir, lui tâte le sexe à travers le pantalon et montre en riant  à Patagon comme il est dur. Elle retourne près de lui. Ils s’embrassent encore. L’obscurité devient totale. La musique de Satie est remplacée par des gémissements féminins de plaisir.

 

oOo

 

Scène 3 : Comme à la Scène 1, mais il fait jour.

 

C. : Patagon, j’ai fait un rêve ! Un grand rêve. Tu veux que je te le raconte ?

 

P. : Mouais… [Il émerge d’un mauvais sommeil]

 

C. : Je suis un petit garçon. Je tête le sein d’une femme noire.  C’est une grosse mama avec des seins pleins de lait qui  coule sur mes joues, dans mon cou. Je suis trempé. Elle rit d’un grand rire de gorge maternel et chaleureux. Elle commence à me sucer. Ma petite queue enfantine se met  à grossir démesurément. La noire continue de  rire.

 

Je me retrouve ensuite à une visite médicale scolaire, face à une femme rousse d’âge plus que mûr,  qui examine avec intérêt mon énorme sexe, douloureux de  raideur. Je me dis que c’est peut-être ma mère, mais je n’arrive pas à savoir. Elle  montre ma verge bandée à  son infirmière, une japonaise, toute nue sous sa blouse ultracourte, qui rit comme une gamine excitée.  Je ne peux détacher les yeux de son buisson de poils noirs et de ses tétons sombres, bien visibles à travers le tissu transparent. « Mais regardez-moi » crie  la doctoresse.  Je n’arrive pas à la regarder. Mes yeux sont fixés sur l’autre.  « Vous avez  vu ce morceau. » La japonaise glousse de plus belle. « On va couper ça.  Attachez-le moi ! »  L’infirmière  sort une corde en coton rouge, comme celles qu’utilisent  les artistes de « Shibari » (l’art japonais du ligotage). Elle  s’apprête à m’attacher sur la chaise.

 

Je me retrouve alors dans une ambulance, tout seul avec l’infirmière japonaise qui m’embrasse affectueusement. Je remarque sa longue chevelure d’un beau noir de jais,  ses grands cils et ses lèvres très fines. Je me dis qu’elle a un visage de poupée.  L’ambulance roule très vite, la route est sinueuse,  c’est en montagne. J’ai peur. La japonaise me caresse le sexe toujours aussi raide. L’ambulance quitte la route et dévale une pente  raide. Elle fonce vers des arbres et des rochers.

 

La scène change encore. Je suis ligoté sur une chaise et j’entends, derrière un paravent, un couple qui fait l’amour bruyamment. Je ne la vois pas, mais je sais que la femme c’est Godette. Je reconnais sa façon de jouir et ses cris haletants. Je suis triste qu’elle me trompe.

 

P. : Eh bien !

 

C. : Comme tu dis. Heureusement qu’on a des rêves.  Ça  remplit la vie.

 

[Silence]

 

Une vie sans rêves érotiques, c’est comme … [il cherche une formule] … c’est comme une femme aux seins plats.

 

C. : Patagon, tu me fais la lecture. T’as dans la sacoche les œuvres complètes d’Alain Valcour. T’as qu’à ouvrir au hasard.

 

P. : [Il commence à lire] « Hommage à la mère »

C. : Oui, c’est très bon.

P. : Comme beaucoup d'enfants, j'ai appris à m'enivrer de l'odeur de femme chaude dans le lit de ma mère. C'est pour lui rendre hommage, et pour revivre par l'écriture la chaleur des hommages dont je l'ai honorée, que j'écris ces souvenirs de mon enfance.

J'avais huit ou neuf ans et ma soeur, deux de plus. Notre père partait travailler très tôt car nous habitions dans une triste banlieue mal desservie par les transports.

Lui parti, l'obscurité revenue, ma soeur et moi allions rejoindre aussitôt notre mère dans son lit. Elle tentait de prolonger son sommeil, nous nous installions chacun d'un côté, et moi toujours à sa droite pour que ma main droite soit libre de se poser sur son ventre, de caresser ses seins et de s'aventurer jusqu'à ses cuisses.

Un rituel s'était instauré. Nous écoutions d'abord sa respiration, avec un respect religieux. Je me laissais envahir par sa chaleur. Sa courte chemise de nuit était toujours retroussée, et je me collais au plus près de sa cuisse nue.

J'aimais par dessus tout  ses odeurs. L'odeur de son cou, l'odeur de sa chevelure, différente, un peu savonneuse, l'odeur des touffes noires et soyeuses de ses aisselles, plus acide, et même l'odeur de pet qui imprégnait les draps. Elle avait l'habitude de replier ses bras sous sa tête, ce qui dégageait un buisson moite où j'enfouissais mon nez avec délices. Je suis maintenant convaincu qu'elle aimait me sentir la humer. Mais à l'époque, je saisissais la chance sans me préoccuper de ses arrières pensées.

C. : Ce Valcour, quel vicieux ! Et  quel beau style !

P. : [Reprend son souffle et continue.]

Ma soeur de son côté promenait sa main gauche sur le ventre rebondi, posait des baisers baveux sur ses épaules et au creux de son cou, tirait sur le nylon crissant pour le tendre sur les seins. Dans la pénombre on distinguait les tétons bruns, gonflés, pointus comme pour percer le tissu.

Notre rituel se déroulait en plusieurs temps. Tout d'abord en silence, l'imprégnation par les odeurs et l'écoute du sommeil en train de se dissiper. Ensuite, quand la respiration indiquait l'approche du réveil,  nous lui prodiguions des caresses plus insistantes, pour l'empêcher de se rendormir. Rapidement, elles se transformaient en chatouilles.

-- Laissez-moi dormir!

Mais c'était trop tard, le grand jeu commençait. A la faveur de ses mouvements de résistance, je m'emparais de ses seins. Elle avait de grands seins, flasques comme des gourdes basques à moitié pleines, couronnés d'aréoles brunes. Pas aussi parfaits que les seins siliconés des pin-ups, mais je les aimais bien ces seins qui nous avaient, ma sœur et moi, bien longtemps allaités.

C. : Un poète ce Valcour ! On s’y croirait. Mais d’ici qu’on l’foute en taule, comme ce pauvre Polanski ! Victime de l’obscurantisme puritain et de l’hystérie antipédophile!  À sa place je me méfierais.

P. : [Continue la lecture.]  Trèves d'attendrissement laitier. Ma soeur fut la plus hardie, et c'est elle qui fit évoluer le rituel. Lors d'une série de chatouilles appuyées, notre mère poussa un long gémissement issu du plus profond de sa gorge, et son dos se cabra. J'eus peur pour elle d'une crise de quelque maladie nerveuse, mais je vis que la responsable était ma soeur qui fouillait vigoureusement son bas-ventre, et que ses gémissements étaient en phase avec cette caresse insolite. J'arrêtai alors mes propres caresses, saisi de respect face à une manifestation de possession que je ressentais comme sacrée et attentif à me laisser moi-même envelopper par les ondes de sa jouissance. Je m'aperçus que je bandais. Je frottai mon petit membre raide et douloureux contre l'ample et grasse cuisse maternelle, j'étais tétanisé par sa jouissance. Vint la détente. Ma main était posée sur sa cuisse, près du lieu stratégique que ma soeur avait investi. Ma joue collée contre un sein tiède et moelleux, j'enregistrais avec émotion tout ce que manifestait son corps: soupirs, frémissements, palpitations, et je cherchais à éprouver ses sensations.

Pourquoi une larme se mit-elle à couler sur sa joue, jusque sur mes lèvres ?

Nous nous mîmes à l'embrasser dans le cou, sur les épaules, sur les paupières, à mordiller ses oreilles, à y enfoncer nos langues, ce qui la fit sortir de sa torpeur, alors que je reprenais mon inlassable exploration de son ventre et de ses seins.

--- Vous êtes des diables. Mais c'est l'heure de l'école!

Panique, lever précipité, départ pour l'école.

Le rituel se trouva enrichi. Mais ma soeur s'arrogeait le rôle de prêtresse officiante : elle éloignait ma main avec autorité chaque fois que je tentais d'approcher la broussailleuse source de jouissance.

-- Non-on, murmurait notre mère chaque fois que la main branleuse de ma soeur montait trop haut. Mais ce qui avait été admis une fois fut à chaque fois répété.

Ma soeur et moi partagions la même très petite chambre, et bien sûr je souhaitais manipuler son conin glabre, tout comme elle manipulait le buisson maternel. Mais elle refusait absolument de me laisser la toucher. Elle n'hésitait pas à rugir et à griffer comme une panthère si je le tentais.

-- Laisse-moi te caresser, je ferai très doucement.

-- Quand j'aurai des poils.

-- Montre-moi tes poils.

-- Y en a pas.

J'approchais mes yeux à quelques centimètres de son bas-ventre où je cherchais tous les matins l'apparition de quelque poil, signe avant-coureur de sa disponibilité à mes mains désirantes. Respectueux du pacte, je préférais sacrifier le toucher au profit de la vue et de l'odorat, mais il faut bien dire que je ne retrouvais pas sur elle la puissante odeur de femelle que dégageait le corps jouissant ou alangui de notre mère.

Sauf le dimanche, jour de messe et d'ennui, les séances matinales continuaient de plus belle. Notre mère faisait semblant de se défendre de nos chatouilles. Elle s'emparait du paquet de mes toutes petites couilles et de ma bite raidie, et le serrait pendant que je lui pinçais un téton. A qui supporterait le mieux la "douleur" infligée par l'autre. Le premier qui criait grâce avait perdu.

Venaient ensuite les claques. Notre mère s'allongeait sur le ventre et nous offrait, par défi, ses fesses à claquer. Chacun de nous s'occupait d'une de ses grandes fesses blanches. Elle se trémoussait mais ne protestait pas, même lorsque ses fesses et ses cuisses atteignaient l'écarlate d'une langouste ébouillantée. Les fessées qu'elle nous donnait (rarement) n'étaient que caresses à côté de celles qu'à deux, nous lui donnions.

Las de claquer ses fesses, nous nous mettions ensuite à implorer leur pardon en les baisant et en les caressant, sans arriver à nous retenir de les malaxer comme deux grosses boules de pâte à pain. C'est moi qui eut l'audace un matin, de les écarter franchement, et le coeur battant à rompre, de plonger un doigt dans l'oeillet brun et plissé. Protestations peu énergiques de sa part et nouvelles claques administrées par mon adorable complice. Un doigt, puis deux, et l'habitude fut prise de terminer le jeu par une vigoureuse exploration du cul maternel.

Quand l'heure venait de se lever, elle nous baisait à pleine bouche, chacun notre tour, en mordillant nos langues.

--  Vous êtes de vrais démons. Mais c'est l'heure de l'école !...

C. : Vraiment très bon. Ça t’a pas fait bander ?

P. : Si !

C. : Ah ! J’me disais bien. Ce  Valcour, i’f’rait bander un eunuque.

[Très long silence]

 

C. : Patagon, t’as déjà baisé une lycéenne japonaise ?

 

P. : Non.

 

C. : Et bien, t’as raté quelque chose. Vois donc le tableau si t’as un tant soit peu de cervelle. Six gamines en uniformes scolaires, en mini-jupes de tissu écossais, chemisiers blancs transparents et cravates assorties aux jupes. Elles se lèvent et crient en chœur deux ou trois fois « I-la-chaï-masei ». Tu en choisis une. Elle rougit de plaisir, et les autres, nullement dépitées, crient toutes ensembles  « Bye,bye. Sayo-onala ». La maquerelle, qui ne manque pas d’être excitante dans une robe noire échancrée de partout qui ne cache rien de ses rondeurs quarantenaires, vous conduit tous les deux à une chambre munie d’une porte double et de murs capitonnés. Elle te montre ce détail et désigne la fille  : «Youkiko,  bade gâle, veli nauti, goude spanque », tout   en soulevant sa jupe pour te montrer sa paire de fesses rebondies.

 

Tu la déshabilles, tu lui pinces les tétons. Elle gémit, tu insistes, elle gémit de plus belle. Ça t’excite, même si les gémissements sont semi-professionnels. Tes claques s’abattent sur ses fesses comme une averse de grêle. Les gémissements font place aux cris mêlés de sanglots.

« No-o, pli-ize, pli-ize ». Tu la maintiens sur le « futon », à plat ventre, les cuisses écartées. Ta main rebondit sur la chair élastique. Les fesses et les cuisses sont déjà très rouges. Youkiko  pleure  vraiment. Tu glisses deux doigts entre les fesses endolories, jusqu’à l’œillet qui les accueille, qui les attend, bien garni de vaseline. Tu fouilles son cul. Tu crois violer une chair adolescente, mais Youkiko aime visiblement cette caresse tendrement  brutale. Trois doigts dans son cul, ton pouce au fond du vagin. Elle gémit. Est-ce toujours de plaisir ? Ta main libre applique de nouvelles claques. Elle agite les jambes. Elle serre les fesses et  cherche à les écarter de la nouvelle volée qui s’abat sans répit. Tu la maintiens fermement par ses deux orifices.  Elle pleure. Tu la retournes comme une crêpe et tu l’enfiles. Elle te sourit. Tu prends le temps de lécher ses larmes. Vos langues se joignent et  se lutinent. Vous  vous mordillez les lèvres et la langue.  Tu la pistonnes, elle gémit, comme si c’était la première fois qu’elle se faisait sauter. Comme si tu la violais. Ses gémissements t’excitent. Tu la pénètres à fond. Son vagin de coquine expérimentée te serre et tu jouis. Elle continue à gémir, mais  plus doucement, comme pour te dire que son plaisir continue.

 

La passe est déjà payée mais tu lui donne un billet.  Elle te suce voluptueusement la langue. « Come euguè-ïne. Youkiko, bade gâle, nauti gâle » et elle te montre ses fesses encore très rouges.

 

P. : [Semble un peu remué, mais garde le silence]

 

C. : À quoi sert ta vie si t’as pas goûté ça ? Hein !

 

P. : [Haussement d’épaules]

 

C. : Tu dis rien. … Mais tu sais que j’ai raison.

 

[Longue pause]

 

C. : Et le suicide, tu y as déjà pensé ?  Quand on a une vie nulle comme la tienne… ! Même  pas capable de baiser … ! Moi, à ta place, j’y réfléchirais sérieusement. …  Enfin, tu m’aides à pisser. C’est déjà ça.

 

[Profonde réflexion d’où émerge la sentence définitive qui suit, énoncée solennellement ]

 

La Vie ne sert qu’à perpétuer la Vie. C’est à la Vie qu’il faut voler des moments de plaisir.

Alors, sinon, tu vis par routine.  Tu continues à pousser un  chariot trop lourd sur une route qui mène à rien  !

...

Quelle heure il est ?

 

P. : 11 heures 48.

 

C. : [Fort] Godette, on t’attend !  On attend tes cuisses charnues et tes grosses fesses molles.

[Moins fort]

On veut  l’odeur de ta chatte rousse qui pue la pisse, la sueur, la cyprine et le sperme des types qui t’ont sautée au quatrième sous-sol d’un parking craignos.

[Longue méditation peu transcendantale comme l’indique ce qui suit.]

 

C. : Patagon, t’as déjà violé une femme ?

 

P. : Non. [Ton affligé ;  la question est incongrue. Mais Casimir poursuit. ]

 

C. : Et bien on va rattraper ça. La Godette, on va se la violer. Il faut prévoir une corde. Je m’assiérai sur son ventre et tu la ligoteras. On la bâillonnera avec son slip. Comme dans la seule scène intéressante d’un film casse-pied de Polanski (1). Si elle s’agite, tu la fesseras, comme une lycéenne japonaise. J’ai un couteau dans ma poche, tu pourras lui faire peur avec. C’est moi qui commencerai, pendant que tu la feras se tenir tranquille.  Tu la baiseras ensuite. Tu verras comme c’est excitant les cris d’une femme affolée.  Ta queue paresseuse retrouvera de la vigueur pour pénétrer son ventre plein de mon foutre.

C’est même pas sûr qu’elle se débatte beaucoup. Quand elle me sentira en elle, elle se trouvera toute cotonneuse. Soumise à ma virilité. Tu lui pinceras les tétons pour la faire crier sous son bâillon. Ça sera ton tour ensuite. Et j’lui en remettrai un. Le deuxième coup c’est toujours le meilleur.

[Silence]

Qui dira la beauté d’un viol bien mené. Sans brutalité, tout en souplesse. Et pour ça, c’est mieux d’être à plusieurs.

 

[Casimir continue. Les bruits de circulation augmentent et couvrent sa voix. Ses lèvres bougent mais l’on n’entend plus rien. Patagon est de plus en plus accablé. Le soir tombe, comme à la fin de la Scène 1.]

 

Scène 4 : Il fait  nuit. Comme à la Scène 2,  la lumière est glauque venant du même lampadaire isolé. Patagon a quitté la scène. Casimir dort  assis sur son banc, les jambes nues,  le sexe à l’air.  Son pantalon est soigneusement plié, sur le banc, à côté de lui.

 

Musique de Satie.

 

Godette  revient  « vêtue »  de son paréo transparent. Elle cherche Patagon. Elle erre tristement et danse autour du banc de Patagon, comme pour le faire revenir. Puis elle quitte son paréo, continue à danser nue devant Casimir endormi. Elle lui  caresse le visage avec ses seins et ses tétons. Elle lui tâte le sexe qui se dresse. Elle s’agenouille devant Casimir et le suce. Elle se relève et le masturbe vigoureusement. Le sperme gicle en direction des spectateurs.

 

[Cris de surprise dégoutée des spectatrices arrosées.]

 

Obscurité. Casimir pousse un grand cri, comme si on l’égorgeait.

 

Scène 5 : Il fait jour. Casimir, à moitié  nu est allongé sur son banc. Patagon le regarde, étonné. Il tourne autour sans le  toucher.

 

Entre en scène de la ci-devant nommée « Godette » , en uniforme de policière. Elle sort un bloc-notes  de son porte-documents.

 

Elle : Je suis Colette Martin, de la  police judiciaire. Je viens pour le constat.

 

[Elle examine le corps. Elle approche ses lèvres de la bouche entr’ouverte de Casimir,  elle manipule ses paupières.]

 

Elle : Il est bien mort.

 

[Elle tâte le sexe mou]

 

Elle : Il bande même pas. Il est mort comme ça ?

 

P. :  Il débloquait grave.

 

Elle : On n’en meurt pas.

 

P. : Il faisait des rêves éprouvants.

 

Elle : On n’en meurt pas non plus. Qu’est ce que vous faisiez avec lui ?

 

P. : Je le faisais pisser,  bouffer. Je lui faisais la lecture. Des trucs pornos.  Et j’écoutais ses salades, il était complètement obsédé. Sexuel,  je veux dire.

 

Elle : J’avais compris.  C’est vraiment tout ?

 

P. : Je l’branlais aussi parfois.

 

Elle : Vous êtes soigneux ! Son pantalon, c’est vous qui l’avez plié ?

 

P. : Pas hier soir. Hier il a déliré toute la journée. Il attendait une femme. Elle est peut-être venue.

 

Elle [ lit ce qu’elle écrit] : « Délires et obsessions sexuels. Masturbations fréquentes pratiquées par des tiers vu l’infirmité du sujet. Arrêt cardiaque suite à un orgasme violent. »

 

Bon, ça ira pour lui.  Mais vous êtes aussi dans le coup. Pour mon rapport, j’ai besoin de mieux vous connaître.

 

[Son ton se fait  mielleux. Elle approche son visage de celui de Patagon, le regarde droit dans les yeux. Elle lui tâte le sexe.]

 

Elle : Vous au moins, vous avez l’air  sain. Sexuellement je veux dire.

 

P.:    J’avais compris.

 

Elle : Il faut que je m’en assure.

 

[Ils se déshabillent mutuellement. En sourdine, l’air  de Carmen, « L’amour est enfant de Bohême » .  Ils se caressent et s’embrassent avec précipitation. Colette Martin présente ses fesses aux spectateurs. Jambes très écartées. Elle est inclinée au dessus de Casimir,  et s’appuie  au dossier du banc. Patagon la pénètre brutalement. Son va-et-vient est rapide. Ils jouissent.]

 

Fin de la pièce. Obscurité. Lumière. Les trois acteurs sont debout, plus ou moins nus, comme à la scène finale. Applaudissements. Saluts. Rappels. Casimir s’adresse aux spectateurs.

 

C. : Merci à toutes et à tous d’être venus et d’avoir écouté mes « salades d’obsédé sexuel » comme a dit ce cher Patagon.

Merci à notre metteur en scène, Maurice Du Rocher, à notre auteur Alain Valcour  et à Samuel Beckett.

N’hésitez pas à envoyer par courrier électronique à Valcour (avalc@free.fr )  vos fantasmes les plus obscènes et vos rêveries les plus salaces. Il en fera bon usage.

 

Notes : (1) La jeune fille et la mort, 1994.