Un traître


Je te croyais mon ami,
Voilà que tu me trahis,
Et que tu désespères la belle Juanita.

Ses caresses habiles et furtives
Te dressent écarlate et luisant
Pendant que chacun de ses baisers
Me submerge de joie.

Comment oses-tu bouder
La plus belle rose de la Terre ?
Dont la fraîcheur nacrée,
Resplendit en contrepoint
Du bronze velouté de son corps de déesse.

Tu es toujours vaillant avec ma légitime,
Mais défaillant avec ma douce amie,
J’enrage que ce ne soit l’inverse !
Méchant complice des « bonnes mœurs » et de la « vertu »  !

A tout moment tu te redresses,
Car il suffit pour t’exciter
D’une jupe un peu courte,
Ou de beaux seins moelleux
Qui se baladent sous une fine étoffe,
Mais au premier assaut, tu te défiles
Et me laisses penaud.
 
N’es-tu plus bon qu’à pisser, vieux mollasson ?
Le beau nom de Vit ne te convient plus,
Tu n'es qu'une limace.


Tu ne mérites que des cons renfrognés,
Des vagins vérolés
Et des cramouilles qui sentent les algues et la marée.

Rien n’est plus beau, tu le sais
Que le plaisir d’une femme,
Qui me retient dans la prison de ses bras câlins,
Tout occupé à dévorer sa langue,
Pendant que tu t’enfonces
Dans la moiteur de son ventre juteux.

Ton aide est nécessaire !
Ma langue est courageuse, Elle !
Mais elle ne suffit pas à la tâche,
Ni mes caresses attentives,
Ni mes lèvres fouineuses,
Car c’est toi qu’elle attend ma douce Juanita.

Tu le sais, vieux copain d’escapades,
C’est toi bien dur au profond de son ventre,
Ce sont tes va-et-vient décidés
Qui vont mener  Juanita
Par delà les nuages,
Dans le jardin secret de ses plaisirs et de ses rêves.


Alain Valcour

Notes :  Juanita est une créole originaire de Porto-Rico, sensuelle comme une diablesse.
         Afin de les rassurer, je signale à mes lectrices que j'ai une bonne adresse pour acheter sur Internet du Viagra générique fabriqué en Inde très efficace.)
         D'illustres prédécesseurs, à vrai dire peu nombreux, ont illustré le même sujet avec beaucoup de verve. Je reproduis deux de leurs oeuvres.

           




Un sonnet du Parnasse des Poètes Satyriques

Poltron vit que tu es, tu lèves haut la tête,
Tu fais bien le vaillant, tu menaces de loin,
Tu tempêtes d'ardeurs, et quand il est besoin
Tu défaus, et tout court ta furie s'arrête !

Viens ça, lâche vilain, d'une si grande bête
Comme est le mien honneur, as-tu si peu de soin ?
Je t'anime au combat, je te prends à plein poing,
Et pliant tu t'abats, infâme et déshonnête.

Vas ! Que maudit tu sois ! Tu m'as fait si grand tort,
Que j'atteste Vénus, je voudrais être mort.
Je t'ai vu si vaillant, je t'ai vu si bien faire

Sans qu'il en fût besoin ; et maintenant couard,
Que j'ai voulu prouver ta force en bonne part,
Jamais à mon désir tu n'as pu satisfaire.



Ce sonnet est extrait du recueil :
"Le Parnasse des Poètes Satyriques
ou
Dernier Recueil des Vers
Piquants & Gaillards
de Notre Temps
"

par Théophile de Viau (1590 -1626) et autres auteurs.
Editions Passage du Nord-Ouest, Paris, 2002




Jan qui ne peut

Rémy Belleau (1528-1577)


Quel désastre nouveau, quel étrange malheur
Me brasse le destin, me banissant de l'heur
Dont je pouvais jouir cette nuit près de celle
Qui brûle comme moy d'une amour naturelle ?

Hé quoi ! tenant ma langue entre l'ivoire blanc
De sa bouche de baume, enté flanc contre flanc,
Voyant du beau printemps les richesses écloses,
Dessus son large sein les œillets et les roses,
Un tétin ferme et rond en fraise aboutissant,
Un crespe d'or frisé sur un teint blanchissant,
Un petit mont, feutré de mousse délicate,
Tracé sur le milieu d'un filet d'écarlate,
Sous un ventre arrondi, gracelet, potelé ;
Un petit pied mignon bien fait et bien moulé,
Une grève, un genou, deux fermes rondes cuisses,
De l'amoureux plaisir les plus rares délices ;
Un doux embrassement de deux bras gros et longs,
Mille tremblants soupirs, mille baisers mignons,

Mon Vit reste Poltron, Mollasse en même sorte
Qu'un boyau replié de quelque chèvre morte !
Bref, il reste perclus, morne, lâche et faquin,
Comme un drapeau mouillé ou un vieil brodequin,
 Baigné, trempé de l'eau, comme si la tempête
Eût voulu triompher des honneurs de ma tête.

Frappé d'un mauvais vent, je demeure sans cœur,
 Flac, esrené, transi, sans force et sans vigueur.
 Qu'est devenu ce vit à la pointe acérée ?
 Vit rougissant ainsi que la crête pourprée
 Qui couronne, flottant, le morion d'un coq ;
 Roide, entrant tout ainsi que la pointe d'un soc
 Qui se plonge et se cache en toute terre grasse,
 Jusqu'aux coiiillons ?

                                    Ce vit était enflé d'audace,
Ecumant de colère et de fumante ardeur ;
Ce vit, comme un limier qui, de flairante odeur
 Suivait la trace d'un con ; vit de bonne espérance,
 Toujours gonflé d'orgueil et gorgé de semence,
 Et qui pour galoper ne faisait du rétif,
 Maintenant, ô grands Dieux ! est couard et craintif.

 Donc, pour te faire arcer, mon vit, il te faut ores
 Une vieille à deux dents qui  se souvienne encore
 De Jeanne la Pucelle ; à qui l'entre-fesson
 Sans enfleure, sans poil, soit gelé de façon
Et si peu fréquenté qu'on sente de la porte
Un relant vermoulu, une peau déjà morte
Entr'ouvrant tout ainsi qu'un sépulcre cendreux,
Béant sur le portail, tout rance et tout poudreux,
Où pende, pour trophée et pour belles enseignes,
Un vieux crêpe tissu des lèvres des areignes ;
Un con baveux, rongneux, landieux et peautreux,
Renfrogné, découpé, marmiteux et chancreux ;
Tel con sera pour toi, afin de mettre au plonge,
Dans l'abîme profond, ce nerf qui ne s'allonge
Et qui ne dresse point, glissant comme un poisson
Qui frétille, goulu, autour de l'hameçon,
Mais qui jamais ne prend amorce à la languette ;
Une tripe, une peau, une savate infecte,
Rebouchant, remoussé, et pliant de façon
Que fait contre l'acier une lame de plomb ;
Brave sur le rempart et couard à la brèche,
Un canon démonté sans amorce et sans mèche,
Un manche sans marteau, un mortier sans pilon,
Un navire sans mât, boucle sans ardillon,
Un arc toujours courbé et qui jamais ne bande,
Un nerf toujours lâché et qui jamais ne tende.

Il faut donc pour ce vit un grand con vermoulu,
Un con démesuré qui dévore, goulu,
La tête et les couillons pour les mettre en curée,
Un con toujours puant comme une vieille marée ;
Tel con sera pour toi, puisqu'un autre plus beau
Ne peut faire roidir cette couarde peau.
Adieu, et jamais plus ne t'avienne entreprendre
De faire le vaillant, toi qui ne saurait tendre ;
Adieu, contente toi, et ne pouvant dresser,
Que ce boyau ridé te serve de pisser.


Extrait de "La poésie érotique - Anthologie", Marcel Béalu, Seghers 1976.