Visites à mes douces-amies

 
 

J'ai 49 ans, je suis marié depuis 24 ans. Sauf les visites à mes douces-amies, je suis resté totalement fidèle à ma femme, que j'aime comme aux premiers temps de notre mariage. Seul le désir de faire d'autres connaissances et d'avoir aussi "Ma Vie Secrète" personnelle m'incite à faire quelques rencontres discrètes. Alors qu'une liaison extra-conjugale suivie est une source potentiellement infinie d'ennuis et de dépenses, les douces-amies offrent la rapidité de la rencontre et la discrétion.

Je connais à Bordeaux une dizaine de bonnes adresses. Mes douces-amies sont installées dans de petits appartements situés dans les rues grises proches du "secteur sauvegardé" (le "Vieux Bordeaux"), dans des "échoppes" de banlieue (c'est à dire des maisons sur un ou deux niveaux, avec façades en pierre)  ou dans des résidences anonymes dans des quartiers peu passants. Comment dire le charme des escaliers à la peinture qui s'écaille dans les immeubles anciens et mal entretenus, sans prétendre pour autant que "le meilleur est de monter l'escalier" ? A chacun de ces quartiers de Bordeaux sont attachés pour moi des souvenirs savoureux, qui leur donnent un "goût" particulier. Ainsi, j'ai de la ville, ma cartographie personnelle imprégnée de souvenirs sensuels.

Je présente à mes douces-amies leurs cadeaux (400 à 600 Francs, maintenant 60 à 80 euros) dans des cartes de voeux illustrées, accompagnées d'un petit mot agréable pour les remercier de l'accueil de la fois précédente et des caresses qu'elles m'ont prodiguées. J'y joins pour les plus sympathiques un petit poème sans prétention, où je décris à chacune ce que j'ai le plus aimé chez elle: son visage, sa conversation, ses cheveux, son rire, sa peau cuivrée, son accent africain, ses seins, sa personnalité, sans oublier sa " fleur secrète ". Je ressuscite ainsi la tradition du "blason". Cela contribue à installer très vite entre nous une atmosphère de confiance, de tendresse et de respect mutuel.

Je me souviendrai toujours du merveilleux sourire d'une jeune africaine, tellement émue et surprise que je lui offre un poème, qu'elle ne trouvait rien à me dire, malgré son sésir visible. Après l'avoir lu deux ou trois fois, elle a fermé les yeux et m'a offert ses lèvres pour un vrai baiser d'amoureux. Nous nous sommes souvent revus depuis. "Tu m'as fait un poème ?" disait-elle à chaque fois en m'embrassant. Oui bien sûr, j'en préparais à chaque fois un nouveau. (Elle m'a confié qu'elle dormait mal à chaque fois que je devais la voir -- je prenais rendez-vous deux ou trois jours avant pour une rencontre à 9 heures du matin -- et moi aussi d'ailleurs, je dormais mal, tout à l'impatience de la tenir dans mes bras.)

Mes douces-amies sont presque toutes divorcées, beaucoup ont des enfants à charge. Elles sont cultivées, elles ont eu des expériences professionnelles très diverses: psychologue, voyante (oui!), chef d'une entreprise de restauration (traiteur), technicienne en électronique, comptable. L'une est secrétaire à mi-temps et ne reçoit que de 14h à 17h30. L'autre est en formation d'aide-soignante et s'apprête à  quitter son métier d'infirmière des désirs inassouvis.

Mes préférées sont en général les africaines et les créoles. Ce sont elles les plus chaleureuses, les plus caressantes. Tout en se laissant câliner, elles me racontent leurs vies, leurs clients aux goûts bizarres: masochistes, fétichistes, voyeurs, masturbateurs plus ou moins impuissants. Certains refusent tout contact avec les femmes qu'ils vont voir! "Toi, au moins tu aimes vraiment les femmes, ce n'est pas si fréquent!" m'a-t-on dit une fois. (Un mot qui m'a fait chaud au coeur.)

Je peux leur parler de moi en toute liberté. Je n'ai pas de rôle social à tenir. Aussi curieux que cela puisse paraître, il y a plus d'authenticité, dans cette rencontre furtive que dans des échanges sociaux classiques, forcément codifiés. Bavarder avec elles, c'est une bouffée d'oxygène qui m'est tout à fait nécessaire; c'est un remède contre l'étouffante et ennuyeuse vie dite " normale ". Nous passons ensemble de 45 minutes jusqu'à deux heures ; je leur fait de longs et patients cunilingus, jusqu'à ce qu'elles jouissent. Je ne vais pas revoir les rares qui les refusent. (C'est une légende bizarre que les douces-amies refusent de jouir avec leurs clients, et refusent de les embrasser! Ou alors, j'aurais une chance extraordinaire.)

Le cunilingus est la pratique sexuelle que je préfère. J'adore sentir sous ma langue les pétales de chair soyeuse tout imbibés de miel fluide un peu salé, le bouton qui  gonfle sous les caresses appuyées, le ventre qui s'agite, les cuisses qui vibrent et claquent mes joues. Le plaisir nous cambre tous les deux et monte, assourdi, jusqu'au fond de sa gorge. Ensuite, enlacés, nous savourons un moment de détente; je pose quelques baisers délicats sur ses paupières closes, dans son cou, sur ses seins, nous continuons à bavarder.

Une fois j'ai eu la remarque (qui m'a fait très plaisir) "ça me rappelle quand j'étais mariée." Plusieurs fois, en partant j'ai eu le compliment suivant: "Ah, si tous les clients étaient comme toi...!" Une autre fois, alors que je demandais à mon amie d'une heure et demie si ça avait été un bon moment aussi pour elle (ce à quoi je tiens), elle m'a dit: "Oui, bien sûr, sinon, je ne t'aurais pas gardé aussi longtemps".

Nous nous quittons sans hâte, aucun de nous n'a lieu d'avoir honte. Et je repars plein d'énergie pour la semaine à venir, tout en pensant au petit cadeau que j'apporterai la prochaine fois. Du gingembre confit? De l'encens japonais ? Des roses rouges ? Une bougie parfumée ? Un roman érotique ? (Ces divers cadeaux que j'ai offerts ont été à chaque fois réellement appréciés.)

Jouissent-elles vraiment? Mon plaisir principal est de faire la minette à ces dames. Je pense que celles qui acceptent (les autres je ne vais pas les revoir) jouent le jeu. Je ne peux pas être sûr à 100%, mais il y a tout de même des indices qui donnent à penser que j'ai pu offrir quelques orgasmes bien réels : les vibrations du ventre et des cuisses, l'hypersensibilité des tétons après l'orgasme, et surtout (une seule fois), un flot de liquide sucré qui n'était pas de l'urine : ce genre d'émission ne se commande pas.

Alain  Valcour, avalc@free.fr

Note : Ce texte a été envoyé en 1999 à une revue féministe qui prétendait que les relations sexuelles rétribuées étaient une forme de viol, ce qui m'a ulcéré. Evidemment, il  n'a été ni publié ni commenté.